Berlin

Rainer Werner Fassbinder Foundation, Berlin

JLorenzLEder

Juliane Lorenz
und Liselotte Eder

werkschau

Katalog zur Rainer Werner Fassbinder Werkschau, Berlin 1992

programm

Programm zur Rainer Werner Fassbinder Werkschau, Berlin 1992

«Des films qui libèrent la tête»,«il a changé notre idée du cinéma moderne»,«le plus important directeur du Nouveau Cinéma Allemand» – c’est ainsi qu’on écrivait sur Rainer Werner Fassbinder et son oeuvre. Cependant, on disait aussi qu’il «semblait trop grand pour ce pays»,«trop imposant, trop contradictoire, trop difficile à classifier». «Fassbinder, le monstre génial»,«un intrigant et cynique qui au passage faisait aussi des films» s’écria la presse à sensation dans ses nécrologies.

Après la mort de Fassbinder le 10 juin 1982, il devenait très vite évident qu’il avait réussi pendant les 16 ans de sa brève période créatrice, à portraiturer et à polariser la société allemande comme personne avant lui. Et pendant que la presse continuait encore à se disputer sur le vrai visage de Fassbinder, sa mère, Liselotte Eder commença à mettre de l’ordre dans son héritage. Elle savait que, pour préserver l’oeuvre de Fassbinder, il fallait le plus rapidement possible le réunir et en éclaircir les droits. Dans ce travail, Liselotte Eder fût assistée par Juliane Lorenz qui, en tant que monteuse et dernière compagne de Fassbinder, possédait des connaissances incommensurables de sa personne et de son oeuvre.

En 1986, Liselotte Eder lança la Fondation Rainer Werner Fassbinder, une fondation privée à but non lucratif (RWFF), dont elle céda la direction à Juliane Lorenz en 1992. La Foundation est détient tous les droits de l’héritage de Fassbinder, y compris les droits acquis après sa mort. Fassbinder avait crée 14 pièces de théâtre, six adaptations, quatre pièces radiophoniques, 44 films pour cinéma et télévision et les paroles de douze chansons. Par ailleurs, il avait écrit une cinquantaine de scénarios – dont 13 avec des co-auteurs. «Le marchand des quatre saisons»,«Les larmes amères de Petra von Kant»,«Effi Briest»,«Tous les autres s’appellent Ali»,«Le mariage de Maria Braun»,«Berlin Alexanderplatz»,«Lili Marleen», «Lola»,«Le secret de Veronika Voss» et «Querelle» font partie de ses films les plus importants.

«La fonction principale de la Fondation est jusqu’à ce jour de préserver et de présenter l’œuvre de Fassbinder», explique Juliane Lorenz. «On ne peut pas s’imaginer à quel point les pellicules et les manuscrits sont fragiles.» Depuis des années, la RWFF fait titrer des seconds négatifs et des nouvelles copies à partir des négatifs originaux. Certains des négatifs inversibles ou de couleur étaient tellement fanés, qu’il fallait les restaurer entièrement. Par ailleurs, la Foundation est en train de mettre en place d’importantes archives de documents et de photographies, comprenant des éléments des collections privées de Lilo Eder et Juliane Lorenz. C’est ainsi qu’on a découvert un grand nombre de vraies perles qui seront enfin présentées au public.
Un des points culminants des activités de la RWFF était la première rétrospective complète des films de Fassbinder en 1992 dans la tour de télévision à Berlin. «C’étaient les dix ans de la mort de Rainer, et il était grand temps de montrer l’intégrale de son oeuvre», dit Juliane Lorenz. En coopération avec le réseau des instituts Goethe, l’exposition parcourut l’Europe, l’Amérique du Sud et l’Asie et fût partout reçue avec de l’enthousiasme. Comme le résuma la presse, les films provoquaient «de la stupéfaction fascinante, de la fascination terrifiante et de la frustration désarmante» chez les spectateurs.

«Quand la lumière s’éteint dans le cinéma, c’est le début du rêve, du règne de l’inconscient», Fassbinder avait formulé une fois. Après 1992, il devenait clair que l’oeuvre de Fassbinder, largement ignorée en Allemagne, avait atteint une importance internationale.

En 1997, nous organisâmes la première rétrospective complète de Fassbinder aux Etats-Unis, avec de nouvelles copies sur 35mm et de nouveaux sous-titres. Elle commençait par un programme spécial intitulé «Fassbinder: A modern Renaissance Man» lors du Sundance Film Festivals à Utah. L’ouverture fut célébrée au Museum of Modern Art à New York, en présence des acteurs Hanna Schygulla, Margit Carstensen, Irm Hermann, Barbara Sukowa, Harry Baer et Rosel Zech. Jamais une manifestation autour d’un réalisateur européen n’avait connu autant de succès sur le continent américain. «Fassbinder is the most dazzling, talented, provocative, puzzling, prolific and exhilarating filmmaker of his generation», écrit la «New York Times».

Le grand succès de la rétrospective Fassbinder a fait germer l’idée d’une fondation indépendante à New York. «The Fassbinder Foundation» (FF Inc.), fondation indépendante et d’intérêt public, a été inaugurée fin 1998. Le comité de direction de New York réunit Juliane Lorenz, Ingrid Scheib-Rothbart et Laurence Kardish du service «Film & Media» au MoMA (Musée d’Art Moderne). Parmi les membres du Comité de consultation, on trouve Peter Bogdanovich, Armin Mueller-Stahl, John Waters et Barbara Sukowa. «L’objectif principal de la Fondation américaine est de promouvoir l’œuvre de Rainer à travers des cycles de films et des festivals, et de soutenir des projets universitaires», déclare Juliane Lorenz. «Les deux fondations se veulent être des institutions culturelles, encourageant de jeunes artistes à être créateurs et innovateurs.»

Avec cette idée, la RWFF était à l’initiative du prix «European Discovery of the Year – Prix Fassbinder», une prime qui a été décernée entre 1998 et 2006 à un réalisateur européen hors norme, dans le cadre de la remise des prix de la European Film Academy.

Avec «Im Land des Apfelbaums» (2005), nous avons enfin publié les premiers poèmes et textes en prose de Fassbinder, et nous préparons la publication de l’intégrale des écrits de RWF en allemand, et d’une sélection en langue anglaise.
Entre-temps, de nombreux films de Fassbinder sont disponibles en DVD. Pour cela, il fallait scanner et retoucher les négatifs originaux image par image et remastériser le son de manière numérique. Les DVD qui sont sortis dans différents pays, ont déjà remporté des prix (une liste exhaustive se trouve dans la rubrique DVD sur ce site web).

En 2005, à l’occasion des 60 ans de RWF, nous organisâmes à Paris, avec nos partenaires français, le Centre Pompidou (CGP) et Carlotta Films, notre projet «Fassbinder, un cinéaste d´Allemagne», une rétrospective et exposition qui attirait énormément d’attention. La presse française l’appela «Fassbinder – L´Evénement», et en Allemagne aussi, les médias couvraient la manifestation de manière extensive.

Depuis 1992, la Rainer Werner Fassbinder Foundation est devenue une équipe chevronnée, comprenant maintenant deux collaborateurs à temps plein et cinq collaborateurs indépendants. L’oeuvre de Fassbinder – ses films, ses pièces de théâtres, ses écrits littéraire – ont maintenant atteint le rang d’un héritage culturel et trouvé leur place parmi les chef-d’oeuvres culturelles de la planète.

Notre projet „Fassbinders Berlin Alexanderplatz: Remastered“, qui a eu sa première mondiale lors de la Berlinale 2007, fut la réalisation d’un rêve: Il était le fruit de six ans de travail acharné ainsi que d’une collaboration fructueuse avec Bavaria Media. Sans le soutien de nos nombreux partenaires, dont Kulturstiftung des Bundes, Filmstiftung Nordrhein-Westfalen, Medienboard Berlin-Brandenburg, Filmförderungsanstalt, Film Fernsehfonds Bayern ainsi que German Films et MoMA, New York, il aurait été impossible. Le 9 février 2007, nous avons présenté la première de la version soigneusement restaurée de ce film (grâce à des projections numériques (DCP) et des projections 35mm) de 15 heures et demi, dans le programme Berlinale Special, à l’Admiralspalast devant 1200 invités et tous les protagonistes de l’oeuvre. Cet événement était suivi d’une projection marathon à la Volksbühne am Rosa-Luxemburg-Platz les 12 et 13 février devant 700 spectateurs dont la plupart très jeunes. Il s’ensuivit un voyage de présentation à travers le monde – jusqu’ici, nous avons fait éscale dans une trentaine de villes – accompagné des éditions DVD luxueuses, une exposition et un livre somptueux (sous la direction de Klaus Biesenbach, intitulé Fassbinder: Berlin Alexanderplatz (Verlag Schirmer/Mosel; München/New York).

Un autre moment fort eut lieu en 2010: La restauration du film de Fassbinder en deux épisodes „Le Monde sur le fil“. Ce chef-d’oeuvre qui avait été produit par la Westdeutscher Rundfunk en 1973 et qui n’avait été montré que rarement à la télévision, eut sa première projection sur grand écran pendant la 60ième édition de la Berlinale. A nouveau, nous avons bénificié du soutien de la Kulturstiftung des Bundes, du Medienboard Berlin-Brandenburg et du MoMA pour la soigneuse restauration du négatif original 16mm et de l’exposition du nouveau négatif 35mm, DCP et copies inclus. Peu de temps après, en été 2000, nous avons pu présenter la première allemande d’un téléfilm produit par la Bavaria en 1976 au Filmfest München: „Je veux seulement qu’on m’aime“. Nous avions apporté notre soutien et notre savoir-faire à ce projet de restauration. Tout de suite après, nous avons commencé les préparations pour la restauration du premier long-mètrage de Fassbinder en langue anglaise, „Despair“ de 1978, avec Dirk Bogarde dans le rôle principal. La sortie en salle internationale ainsi qu’une luxueuse édition DVD sont prévues pour 2011.

Entre-temps, la réalisation de ces projets novateurs de restauration nous a rendu connus dans le monde entier, ce qui nous rend aussi un peu fiers. „Parfois je pense que Rainer est assis là-haut et il rit, il rit de tout ce travail qu’il nous fait faire“, dit Juliane Lorenz en souriant. Et elle rajoute: „Mais ce travail nous fait grandir. En plus, il nous procure beaucoup de plaisir, de gratitude et de reconnaissaince auprès des nombreux fans de Fassbinder, ici et dans le monde entier. C’est ainsi que Fassbinder et la profonde humanité qui impregne tout son oeuvre artistique continuent à vivre.“

Mars 2011