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Liselotte Eder-Fassbinder – en mémoire des 20 ans de sa mort

24_5364_300Liselotte Irmgard Pempeit, plus tard divorcée Fassbinder et veuve Eder, mère de Rainer Werner Fassbinder, est née le 6 octobre 1922 à Schmiede/Kowall dans la circonscription administrative de Danzig-Land. Elle était le deuxième enfant de ses parents, Agnes et Rudolf Pempeit.
Après la naissance de son frère Kurt Pempeit en 1925, elle grandit chez un oncle sans enfants et son épouse, probalement aussi pour des raisons économiques. Wilhelm Schröder était douanier et s’occupait de façon touchante de cette enfant maladive, à qui il transmettait avant tout qu’apprendre était un plaisir et une nécessité dans la vie pour devenir une personne d’esprit. Malgré la tendance national-socialiste de sa vision du monde, il faisait tout pour soutenir l’enfant avide de savoir. Lieselotte devint une très bonne élève et en mars 1941, elle passa son baccalauréat en temps de guerre avec la mention bien. Après un an de travail obligatoire pour l’armée, elle obtint une bourse et en mars 1942, elle commença des études de littérature allemande, de philologie et de sport à Munich. En 1943, elle  rencontra dans la file d’attente pour des places de concert à la Ludwig-Maximilians Universität l’étudiant en médecine Helmut Fassbinder, né en 1918, qui n’avait pas encore passé son doctorat. Helmut Fassbinder décrit Lieselotte comme „le grand amour de ma vie“, dont le visage charmant lui était même apparu une fois sous forme d’une étoile brillante au-dessus de la Siegestor de Munich. Son très grand pouvoir d’imagination, une forme de “Monde comme volonté et comme représentation” a dû l’aider à cela. Leur fils Rainer Werner, né le 31 mai 1945, allait exercer ce pouvoir auprès de sa mère et auprès de beaucoup d’autres personnes qu’il marquait, et il allait s’inspirer de la présence d’esprit et de l’humilité de sa mère pour la création des forts personnages féminins plus tard dans son oeuvre.

Après le divorce d’avec Helmut Fassbinder en 1951 et la longue affection par une tuberculose qui s’en suivit, accompagnée de plusieurs longs séjours à l’hôpital, son fils n’avait pas grandi confié aux deux familles de ses parents, mais dans de différents écoles, internats et foyers. Elle-même a souvent essayé de comprendre les raisons à cela. C’était possiblement aussi lié au fait qu’une femme qui divorçait un homme au début des années 50 était toujours chose rare, et la société avait plutôt tendance à la punir en l’excluant. A quoi s’ajoutaient les grandes difficultés de son fils à l’école. Il a dû redoubler trois fois. Lorsque Liselotte Fassbinder rencontra en 1958 son deuxième mari, le journaliste Wolff Eder, ceci était certainement une grande chance pour sa santé mentale, mais son fils le vivait comme une perte répétée. Plus tard, il allait le décrire en les termes suivants: „Elle devait penser à soi-même! Se décider pour un partenaire.“ Dans un certain sens, il s’agit d’une histoire semblable à celle dans “Le mariage de Maria Braun”, dont le destin tragique n’est pas seulement celui de sa mère, mais celui de toute une génération de femmes.

Le fait que Lieselotte Eder participe à partir de 1970 à 25 films de son fils et qu’elle s’engage parallèlement à son emploi à temps plein dans un institut scientifique de Munich, d’abord en tant que programmeuse et plus tard en tant que membre du comité d’entreprise, pendant son temps libre pour rattraper la comptabilité inexistante de l’antiteater après la dissolution de celui-ci. En même temps, elle préparait également la comptabilité pour la Tango Film, nouvellement fondée en 1972, sans jamais considérer cela comme un exploit exceptionnel. Il lui paraissat évident de soutenir son fils en temps de difficulté. Tout commençait par le souci d’éviter la menace d’un séjour en prison, car le fisc l’avait déclaré l’unique responsable pour l’absence de comptabilité de la sociéte de droit civil antiteater. Il fallait fournir rapidement le bilan des dernières quatre années pour le sauver de la prison imminente. Plus tard, Lieselotte Eder allait appeler tous ces travaux effectués pour son fils, selon l’expression de Thomas Mann, “de la sagesse déontologique”, en se réjouissant du fait que grâce aux difficultés fiscales de son fils, elle ait pu acquérir des connaissances supplémentaires.

Parfois elle ressentait ces travaux comme un poids, mais jamais comme de l’exploitation. Et très certainement pas comme une “récompense” pour ses possibles négligences ou ses absences dûes à des causes extérieures pendant son enfance turbulente. Le fait que par ailleurs elle transcrive la plupart de ses manuscrits et scénarii était pour elle l’une des plus belles occupations, car en le faisant elle “se sentait moins seule, et y prenait beaucoup de plaisir”, comme elle écrivait dans son journal intime. Liselotte Eder, qui survécut à son fils de 11 ans, a fondé en 1986 la Rainer Werner Fassbinder Fondation (RWFF). Elle est morte d’un cancer le 7 mai 1993 à Oberaudorf, près de Munich. Déjà en 1991, elle avait remis la RWFF à Juliane Lorenz, la compagne, collaboratrice de longue date et monteuse de Fassbinder, qui elle avait désignée dans son testament comme seule héritière. Les films, pièces de théâtre et écrits de Fassbinder sont présents dans le monde entier, et l’oeuvre de Fassbinder continue de vivre.

Photos: © RWFF

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